Les discours spécialisés se caractérisent par la mise en œuvre de terminologies spécifiques à une pratique culturelle située. Ces unités lexicales à la définition stabilisée dans des communautés discursives données et au statut sémiotique spécifié par les normes en vigueur (ISO 704 et 1087) – statut mouvant selon les corpus (Gaudin, 2003; Petit, 2005) – sont soumises à des variations de différents niveaux linguistiques, à relier de facto à la situation, au genre discursif dans lesquels elles apparaissent, au thème abordé et ses enjeux, voire à la visée applicative. Car, le fait est aujourd'hui admis, les discours spécialisés ne dérogent pas aux règles de la langue : on y repère de la variation sous toutes ses formes, inhérente au fonctionnement du système langagier qu'ils mettent en œuvre. Analyser le fonctionnement des termes invite dès lors à mettre leurs usages en relation avec la diversité des discours dans lesquels ils apparaissent, ce à quoi un certain nombre de travaux se sont attachés (voir Drouin et al., 2017 par exemple).
Rappelons que le terme n'est tel qu'en discours. C'est la situation de production, de circulation, de réception et d'interprétation qui lui attribue ce statut, autrement dit les objectifs et les enjeux du discours, voire ceux du terminologue (Delavigne & Gaudin, 2021). Ces considérations pourraient sembler très générales ; elles sont cependant d'importance dès lors que l'on souhaite constituer une ressource terminologique quelle qu'elle soit, base de données, dictionnaire ou autre glossaire. Si la première tâche est le repérage d'unités susceptibles d'être « instituées » en termes, les phénomènes de variation viennent souvent compliquer la chose (Delavigne, 2012). La question qui se pose aujourd'hui est celle de l'« implémentation » de ces variations dans des ressources terminologiques. Comment intégrer la diversité sociolinguistique ? Sous quelle forme ? Quelle place leur donner ? Outre les aspects théoriques que ces questions engagent, elles se posent à nous dans le cadre d'un projet lexicographique en cours. Nous nous proposons d'articuler notre propos de la façon suivante : après un rapide retour sur les variations émergeant du corpus, nous souhaiterions discuter de la façon dont elles peuvent intégrer une ressource élaborée dans une perspective « d'équipement » terminologique, en y associant des enjeux sociolinguistiques. Ce sera l'occasion d'évoquer la question de l'interface avec le corpus.
Delavigne, V. (2012). Peut-on ”traduire” les mots des experts ? Un dictionnaire pour les patients atteints de cancer. In M. Heinz (Éd.), Dictionnaires et traduction (p. 233‑266). Frank & Timme. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00920640
Delavigne, V., & Gaudin, F. (2021). Foundational Principles of Socioterminology. In P. Faber & M.-C. L'Homme (Éds.), Theoretical Approaches to Terminology. From the Other Side of the Looking Glass (John Benjamins Publishing Company).
Drouin, P., Francoeur, A., Humbley, J., & Picton, A. (Éds.). (2017). Multiple perspectives on terminological variation. John Benjamins Publishing Company.
Gaudin, F. (2003). Socioterminologie : Une approche sociolinguistique de la terminologie. De Boeck Duculot.
Petit, G. (2005). Synonymie et dénomination. Linx. Revue des linguistes de l'université Paris X Nanterre, 52, 97‑112. https://doi.org/10.4000/linx.198
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