Abric (1987) propose l'existence d'un noyau central représentationnel, jouant un rôle prédominant dans la construction d'évidences, et un système périphérique qui en dépend directement. Dans le domaine de la didactique des langues (DDL), la prononciation est souvent considérée comme un « parent pauvre » constituant ainsi un noyau central – sans que les contours de ce dernier aient été construits à partir de bases scientifiques empiriques. Sur le plan épistémologique, certains auteurs (Sauvage, 2019) y voient un « mariage contre nature » dont ils tracent l'origine, aux années 1970, au moment où la recherche expérimentale et les pratiques sur le terrain se rejoignaient dans la phonétique appliquée. Plutôt que d'y voir un « parent pauvre », nos recherche (Miras, 2021) nous ont amené à réfléchir à l'existence d'une possible rupture épistémologique entre des approches ancrées d'une part, dans le béhaviorisme cognitif et d'autre part, dans le variationnisme sociolinguistique ; les approches communic'actionnelles ayant échoué dans leur mise en réseau plutôt qu'en opposition. Un premier corpus de 597 articles francophones dans 6 revues (2010-2017) en DDL (Miras, 2019) a montré la prépondérance du mot composé « phonétique corrective » dans ces travaux dont la seule équivalence se retrouve avec celle « grammaticale ». Dans ce corpus, la prononciation est certes moins représentée que d'autres composantes linguistiques mais elle dispose souvent de numéros thématiques dédiés et d'un très grand nombre d'occurrences par article concerné. La présente étude prolonge la réflexion autour des traces empiriques qui pourraient soutenir l'une ou l'autre de ces hypothèses – mariage contre nature ou rupture épistémologique – afin de réfléchir aux possibles leviers pour la modélisation d'une didactique de la prononciation contemporaine. Ce prolongement s'articule autour de la confrontation de ces premiers résultats sur la littérature francophone à un nouveau corpus de 1147 articles issus de revues anglophones en linguistique appliquée toujours entre 2010 et 2017. L'interrogation de ce corpus crosslinguistique s'intéresse particulièrement à la prosodie sémantique (Kübler, 2014) des termes « prononciation », « phonétique » et « accent ». Les résultats mettront en évidence une différence de traitement de ces notions, notamment au regard du paysage de la didactique du français comme langue étrangère telle qu'elle est pensée en France (Chiss, 2009) et de la constitution de Applied Linguistics dans le monde anglophone (Linn, Candel, & Léon, 2011). Ces considérations feront émerger le besoin de redéfinir la terminologie du domaine en didactique de la prononciation francophone.
Abric, J.-C. (1987). Coopération, compétition et représentations sociales. Cousset: Éd. DelVal.
Chiss, J.-L. (2009). Sciences du langage et didactique des langues : Une relation privilégiée. Synergies Roumanie, 4, 127‑137.
Kübler, N. (2014). Mettre en œuvre la linguistique de corpus à l'université : Vers une compétence utile pour l'enseignement/apprentissage des langues ? Recherches en didactique des langues et des cultures, 11(1).
Linn, A., Candel, D., & Léon, J. (2011). Présentation : Linguistique appliquée et disciplinarisation. Histoire Épistémologie Langage, 33(1), 69‑82.
Miras, G. (2019). De la correction à la médiation : La doxa terminologique en didactique de la prononciation du français comme langue étrangère. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les cahiers de l'Acedle, 16(16‑1), En ligne.
Miras, G. (2021). Didactique de la prononciation en langues étrangères : De la correction à une médiation. Paris: Editions Didier.
Sauvage, J. (2019). Phonétique et didactique. Un mariage contre-nature. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les cahiers de l'Acedle, 16(1), En ligne. https://doi.org/10.4000/rdlc.4276
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