En changeant de paradigme d'écriture le projet HYPA innove en didactique des langues
Pierre-Henry De Bruyn  1, 2@  
1 : Centre de Recherche sur l'Histoire Internationale et Atlantique  (CRHIA)
Université de La Rochelle
UFR Lettres, Langues, Arts & Sciences Humaines (FLASH) Centre de recherches en histoire internationale et atlantique 1 parvis Fernand Braudel 17042 LA ROCHELLE cedex 1 -  France
2 : D2iA - La Rochelle - Bordeaux
La Rochelle Université, Université Bordeaux Montaigne, université Bordeaux Montaigne

Saussure affirmait que « pour les Chinois, l'écriture est en quelque sorte une seconde langue » et que « l'unique raison d'être de l'écriture est de représenter la langue » (Saussure, 48). Représentant non pas la langue mais constituant « une seconde langue », l'écriture chinoise insinue, par son existence même, la possibilité d'un autre paradigme de compréhension de l'écriture. Or le paradigme central de la calligraphie chinoise est la formation de représentations symboliques par des séquences gestuelles contrôlées. Vu sous cet angle, un caractère chinois constitue davantage le résultat d'une séquence gestuelle qu'une unité linguistiquement définie. En recherchant une gestualité alternative à la calligraphie chinoise traditionnelle sensée donner une maîtrise presque magique (Billetter, 1989) de l'écriture chinoise, sorte de langue d'avant la langue (de Bruyn, 2016), le projet HYPA (HYper Pinyin Alphabet), s'est bâti sur un paradigme inédit de l'écriture en reliant cette dernière en priorité non pas à la langue mais à la gestualité. Ces recherches conduisent aujourd'hui à imaginer une didactique innovante d'accès non seulement au lexique du chinois mais aussi, indirectement, à celui des autres langues. 

Quatre outils furent élaborés au cours de cette investigation : 1) Un TCH (Transcripteur digraphique Caractères/HYper Pinyin) permettant un affichage différencié entre enseignants, maîtrisant une symbolique donnée, et apprenants, en possédant une autre ; 2) Un GSK (Gestual Semantic Keyboard), boussole s'adaptant aux mouvements tracés par son utilisateur sur une surface tactile sensitive et permettant une didactique de gestualité commune entre enseignants et apprenants maîtrisant des écritures distinctes; 3) Une méthode cohérente et logique d'input des caractères chinois dans un rythme en quatre étapes, chacune tissée de mouvements yin et yang ; 4) Une écriture alphabétique alternative du chinois, dite HYPA pour « HYper Pinyin Alphabet » permettant un apprentissage facilité de cette gestuelle signifiante. 

Deux néologismes aident à décrire l'usage potentiel de ces outils en didactique des langues : celui de « tracèmes » (héritiers des noumènes, phonémes, morphèmes, graphèmes, phrasèmes...) et celui de « gestuelle lexicodidactique ». Ensemble ils ouvrent une approche du plurilinguisme par laquelle la gestualité du corps retrouverait une universalité partagée par-delà les diversités de ses expressions linguistiques. C'est pourquoi le projet HYPA se définit aujourd'hui comme visant « une même écriture pour toutes les langues », rêve autrefois, réalité demain : qu'en pensent les jeunes chercheurs ?

 

Billetter, j-f., l'art chinois de l'écriture, skira, 1989. 

De bruyn, p-h., « entre analogie visuelle et analogie sonore, la muraille de chine des caractères chinois: un pont est-il possible? », logos et analogia, la pensée analogique entre orient et occident, colloque de louvain, 28 octobre 2016 (actes publiés par thierry lucas et ivan gros, rencontre orient-occident, éd. Academia-l'harmattan, 2018, pp. 51-70).

De saussure, f., cours de linguistique générale, paris, payot, 1980.



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